Tout commença en 1885, lorsque Vincent M. Holt publia un ouvrage visionnaire intitulé « Why not eat insects ? » (Pourquoi ne pas manger des insectes ?), dans lequel il incitait ses contemporains à repenser leur alimentation. Ce texte, aujourd’hui presque oublié, apparaît comme l’un des premiers manifestes en faveur de l’entomophagie, autrement dit, la consommation d’insectes par l’homme.
Un texte précurseur, en avance sur son temps
Holt écrivait à une époque où la question de l’écologie ou de la durabilité alimentaire n’était pas encore à l’ordre du jour. Pourtant, il entrevoyait déjà les limites d’un modèle alimentaire trop dépendant de la viande. Pour lui, les insectes représentaient une alternative à la fois saine, naturelle et respectueuse de l’environnement.
Il affirmait :
« Écoutez, je sais que cela semble bizarre, mais si vous venez de m’entendre, je pense que vous conviendrez que cela a du sens. »
Holt reconnaissait la difficulté de sa mission : convaincre un public ancré dans des préjugés très anciens. Il invitait ses lecteurs à garder l’esprit ouvert, promettant que ceux qui oseraient franchir le pas découvriraient des aliments propres, nutritifs et savoureux.
Une réflexion avant-gardiste sur la durabilité
Holt ne se contentait pas de défendre une idée étrange : il développait une véritable argumentation écologique avant l’heure.
Il observait que l’élevage traditionnel exigeait d’immenses ressources et qu’il serait nécessaire, tôt ou tard, de trouver des alternatives.
Les insectes, disait-il, se nourrissent de végétaux, nécessitent peu d’eau et d’espace, et peuvent être produits sans générer de pollution notable.
Aujourd’hui, près de 140 ans plus tard, ses propos résonnent avec une actualité saisissante : selon la FAO, plus de deux milliards de personnes consomment déjà des insectes dans le monde, et l’Europe commence à reconnaître leur potentiel nutritionnel et écologique.
Pourquoi ce blocage culturel ?
Holt insistait sur un point essentiel : le problème n’est pas gustatif, mais psychologique.
La plupart d’entre nous associent encore les insectes à quelque chose de sale, de dégoûtant, voire de dangereux. Pourtant, comme il le rappelle, cette réaction n’a rien de naturel : elle est culturelle.
Dans d’autres régions du monde, en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, manger des insectes est perçu comme un geste normal, voire festif. Les criquets grillés, les fourmis au chocolat ou les larves de bambou sont considérés comme des mets raffinés.
Et si notre répulsion venait simplement de notre éducation ? Peut-être parce que nos parents nous ont toujours répété que les insectes étaient « sales » ou « à éviter ».
Ce type de transmission crée ce que Holt appelle une « matrice culturelle », un ensemble de croyances qui façonnent nos comportements alimentaires sans que nous en ayons conscience.
Un parallèle avec les interdits religieux et moraux
L’auteur se demande si cette aversion ne trouve pas ses racines dans la Bible ou dans les textes religieux.
Certains animaux y sont déclarés impurs, d’autres autorisés — mais pourquoi le porc ou l’huître seraient-ils tolérés, alors que le criquet ne le serait pas ?
Une question qui ouvre un champ passionnant sur la manière dont nos traditions spirituelles influencent encore nos assiettes.
Des idées toujours actuelles
Ce qui frappe à la lecture de Pourquoi ne pas manger des insectes ?, c’est à quel point ce texte garde une modernité incroyable. Holt aborde la question du gaspillage, de la production durable, de la peur du changement, des biais culturels — des thèmes qui restent au cœur des débats d’aujourd’hui.
De nombreuses start-ups alimentaires se sont depuis lancées dans l’aventure, proposant des barres protéinées à base de poudre de grillon, des chips aux insectes ou encore des pâtes enrichies en protéines d’insectes.
Leur argumentaire est exactement le même que celui de Holt : manger des insectes, c’est logique, écologique, et même délicieux — si l’on surmonte nos préjugés.
Mon avis personnel
J’ai adoré ce livre ! Il est à la fois amusant, déroutant et terriblement lucide. Même s’il date du XIXe siècle, son propos nous renvoie à une question très contemporaine : sommes-nous prêts à repenser nos habitudes alimentaires pour préserver notre planète ?
Le livre est en anglais, mais si cette langue ne vous fait pas peur, je vous recommande vivement de le lire. Et qui sait ? Peut-être que, dans quelques années, manger des insectes ne semblera plus si étrange…
Et vous, que pensez-vous de l’idée de manger des insectes ? Seriez-vous prêt à goûter un burger au grillon ou un snack protéiné à base de larves ?
Vos commentaires sont les bienvenus !




