Il y a des choses qu’on jette sans même y penser. Et puis il y a ces objets, un peu cabossés parfois, qui nous suivent année après année. Des choses banales aux yeux des autres, mais précieuses pour nous. Parce qu’elles racontent une histoire, une époque, une version de nous qu’on ne veut pas oublier.
Alors aujourd’hui, j’ai eu envie de les rassembler. De les regarder un par un, comme on relit un vieux carnet intime. Voici ces objets que je garderai toute ma vie, et pourquoi ils comptent autant pour moi.
Mon premier journal intime : un carnet rose à cadenas
J’avais 9 ans quand je l’ai reçu. Un petit carnet rose, avec une couverture rigide et un minuscule cadenas doré. À l’intérieur, mes premiers secrets d’enfant. Je parlais de mes copines, de mes colères, de mes rêves de devenir chanteuse ou vétérinaire.
En le relisant aujourd’hui, je souris et je pleure un peu. Parce qu’il me rappelle celle que j’étais, avant les doutes, avant les regards extérieurs. Un concentré d’innocence, d’enthousiasme, de maladresse. Je ne pourrais jamais le jeter. C’est mon tout premier dialogue avec moi-même.
Une bague cabossée en toc : mon premier amour
Elle n’a aucune valeur. Elle verdit le doigt si je la porte trop longtemps. Et pourtant, cette bague me serre encore un coin du cœur.
C’était un cadeau de mon tout premier copain, en troisième. Il l’avait achetée dans une boutique à 2 euros, mais il me l’avait offerte comme si c’était un diamant. Je me souviens de ses mains tremblantes, de mon cœur qui battait trop fort. Et de ce moment suspendu où, pour la première fois, je me suis sentie choisie.
Je ne suis plus amoureuse de lui. Mais je suis reconnaissante de ce qu’il a éveillé en moi : l’émotion brute d’un premier lien.
Une écharpe en laine tricotée par ma grand-mère
Elle sent encore un peu l’armoire en bois et la lavande. C’est une vieille écharpe rayée, tricotée à la main. Les mailles ne sont pas régulières. Il y a même un petit trou sur un côté. Mais je la garde précieusement.
Ma grand-mère n’est plus là. Mais dans cette écharpe, il y a ses soirées passées devant la télé à compter les rangs. Il y a ses doigts usés, son silence tendre, ses gestes pour prendre soin sans faire de bruit. Elle ne disait pas souvent « je t’aime », mais elle savait le tisser.
Une photo froissée : le dernier été d’insouciance
On est cinq sur cette photo. Allongées sur des serviettes, en maillot, les cheveux trempés, le nez cramé. C’était l’été avant le bac. On ne savait pas encore ce que « adulte » voulait dire.
Je garde cette photo comme un talisman. Parce qu’on riait pour rien. Parce que le monde semblait vaste et qu’on le regardait comme une promesse. Aujourd’hui, on est toutes parties dans des directions différentes. Mais cette image, c’est la preuve qu’on a été ensemble. Vivantes. Légères. Fortes.
Un bracelet cassé : ma sœur et moi
C’était un duo de bracelets en tissu, achetés sur un marché. Un pour elle, un pour moi. On les avait portés tout l’été. Puis le mien s’est cassé. Je l’ai recollé maladroitement, avec du fil, du scotch, de l’espoir. Et je l’ai gardé.
Parce que ma sœur, c’est mon ancrage. Même quand on ne se parle pas, même quand on se dispute. Ce bracelet, aussi abîmé soit-il, symbolise ce lien inaltérable. Il me rappelle que je ne suis jamais vraiment seule.
Une carte postale jamais envoyée
Je l’avais écrite pendant un voyage à l’étranger, à un garçon qui me plaisait. J’avais pris mon courage à deux mains. J’avais mis des mots sincères. Et puis… je ne l’ai jamais envoyée.
Je l’ai gardée dans mon tiroir. Et parfois, je la relis. Non pas parce que je regrette, mais parce qu’elle me rappelle que j’ai été audacieuse, même dans le silence. Cette carte, c’est la trace d’un moment où j’ai osé être vulnérable. Même si personne ne l’a su.
Mon premier agenda de « grande »
Pas un agenda scolaire imposé, non. Un vrai, acheté avec mes sous, dans une papeterie. À l’intérieur, j’écrivais mes devoirs, mais aussi des petits cœurs, des paroles de chansons, des codes secrets.
C’était plus qu’un carnet : c’était mon monde miniature. Une façon d’organiser le chaos intérieur. Je le garde comme on garde une boussole ancienne. Même si elle ne fonctionne plus, elle me rappelle que j’ai toujours cherché un cap.
Mon t-shirt « fétiche » d’ado
Il est trop petit. Il est déformé. Il a une tache de peinture. Mais je ne peux pas m’en débarrasser. C’était mon t-shirt fétiche à 17 ans. Celui que je mettais pour les concerts, les sorties, les soirs où je voulais me sentir « moi ».
En le tenant, je ressens encore l’énergie de cette époque. L’élan, l’excès, la maladresse magnifique. Ce t-shirt, c’est un morceau de mon histoire textile. Il ne me va plus, mais il m’habite encore.
Une boîte en métal pleine de petits riens
Tickets de concert, coquillages, papiers de bonbons, mots pliés. Tout ce qui ne vaut rien et qui, ensemble, vaut tout. Une mémoire en vrac, en 3D.

Je l’ouvre rarement, cette boîte. Mais elle est là. Comme une capsule temporelle. Elle contient les morceaux du puzzle de mon adolescence. Chaque objet est un déclencheur d’émotion, de rire, de larme. C’est un musée miniature de ma vie intérieure.
Une clé sans serrure
Je ne sais même plus ce qu’elle ouvrait. Mais je la garde. Parce qu’elle symbolise une chose importante : le pouvoir de l’ouverture.
Elle me rappelle qu’il y a toujours une porte quelque part. Même si on ne la voit pas encore. Même si on a perdu la serrure. Elle me rassure, aussi. Elle dit qu’un jour, je trouverai ce à quoi elle correspond. Et que ce jour-là, j’aurai déjà la clé.
Pourquoi je garde tout ça ?
Je ne suis pas matérialiste. J’ai appris à me détacher de beaucoup de choses. Mais certains objets ne sont pas des possessions : ce sont des morceaux de moi.
Ils sont porteurs de mémoire. Ils contiennent une émotion que je ne peux pas reconstituer autrement. Ils sont les témoins silencieux de mon cheminement. De mes versions successives. Ils m’aident à ne pas me perdre. À ne pas oublier qui j’ai été.
Garder un objet, ce n’est pas refuser d’avancer. C’est avancer avec conscience.
Et toi, quels sont tes objets-refuges ?
Je suis persuadée que nous avons tous ces objets qui, aux yeux des autres, sont insignifiants… mais qui nous retiennent de sombrer. Des objets qui rassurent, qui consolent, qui rassemblent.
Si tu devais en choisir un seul, là, maintenant, lequel te viendrait ? Un bijou, un dessin, un vieux mail imprimé, une peluche ?
Ne les néglige pas. Ne les jette pas trop vite. Ce sont tes ancrages invisibles.
Garder, c’est honorer
J’ai compris que garder un objet, ce n’est pas être nostalgique. C’est honorer ce qu’on a vécu. C’est faire une place à son histoire.
Je ne veux pas vivre dans le passé. Mais je veux garder ces petites pierres blanches qui me montrent le chemin parcouru. Et si un jour, je me perds, je saurai où regarder.
Pas besoin de collectionner des trophées. Il suffit d’un bout de papier, d’un tissu usé, d’un petit mot griffonné pour se reconnecter à soi.




